Hum, cela dépend si vous avez plusieurs preuves de manquements ayant fait l'objet d'écrits ou juste une (en période COVID qui plus est).
Je vous renvoie à mon article paru dans la revue de l'AJI :
IV - La résiliation unilatérale par l’EPLE des marchés publics.
La procédure « normale » consiste à mettre fin à un marché en respectant ses dispositions contractuelles. Mais il arrive que la résiliation d’un contrat puisse être le fait d’une décision unilatérale prise par la personne publique en dehors des stipulations contractuelles dans le cadre d’un litige. C’est une procédure qui doit se limiter à des situations particulières.
On distingue deux grandes situations qui sont la résiliation de plein droit et la résiliation imposée par la personne publique à son cocontractant.
La résiliation de plein droit ne pose pas de problème particulier. Elle intervient lorsque le fournisseur se trouve dans l'impossibilité absolue de respecter le marché ; soit pour cause de force majeure indépendante de sa volonté et d'obstacles qui ne peuvent être surmontés ; soit dans le cas de sa disparition (décès, faillite notamment).
La seconde situation où c’est l’EPLE qui imposera à son fournisseur une fin anticipée du marché qui les lie est plus complexe. L’établissement pourra mettre fin unilatéralement au marché pour un motif d’intérêt général ou pour sanctionner une faute du titulaire.
IV.1 - La résiliation pour motif d’intérêt général.
Une personne publique (donc un EPLE) dispose toujours du droit de résilier unilatéralement un marché pour un motif d’intérêt général, et ce même en l’absence de clause contractuelle en ce sens. Mais la contrepartie à ce droit est l’entière indemnisation du titulaire qui, par définition, n’a commis aucune faute. Bien entendu on ne parle que d’un marché notifié au candidat retenu puisqu’on sait qu’un EPLE peut renoncer à tout moment à finaliser un marché public en déclarant la procédure de consultation sans suite ou infructueuse, et ce sans droit pour les candidats à une quelconque indemnisation.
Le motif d’intérêt général peut par exemple être l’abandon d’un projet, notamment en cas de difficultés techniques ou financières rencontrées en cours d’exécution. Le Conseil d'État a précisé dans l'arrêt Demouchy du 6 février 1925 que « la résiliation n'a pu intervenir (...) qu'en vertu du pouvoir appartenant à l'administration de rompre le contrat sous réserve d'indemniser l'entrepreneur des pertes résultant pour lui de la résiliation, et de lui accorder, le cas échéant, les dédommagements auxquels il peut légitimement prétendre ». Le contrat, par une clause expresse, peut exclure toute indemnisation ou prévoir une indemnisation transactionnelle. Dans le silence du contrat, le montant de l’indemnité est généralement négocié entre les parties et donne lieu à la conclusion d’une transaction ; en cas de désaccord le juge tranchera le litige.
A noter, car cela est le cas de nombreux marchés passés par les EPLE, que la résiliation des marchés à bons de commande et des accords-cadres passés sans minimum, ne donne pas droit à indemnisation, car l’établissement ne s’est engagée sur aucun montant de commande. De même, aucune indemnisation n’est due aux titulaires d’un accord-cadre multi-attributaire résilié, car ceux-ci ne peuvent justifier d’un manque à gagner certain.
IV.2 - La résiliation pour faute du titulaire d’un marché public.
Il y a des cas dans lesquels l’établissement peut résilier le contrat à titre de sanction ; mais seule une faute particulièrement grave peut le justifier. On distingue la résiliation simple et la résiliation aux frais et risques.
Dans le premier cas le fournisseur est dégagé de ses obligations et ne doit ni ne perçoit aucune indemnisation suite au nouveau marché que passera l’EPLE.
Dans le second cas le titulaire du marché résilié devra assumer le surcoût engendré par la passation d’un nouveau marché par l’EPLE pour assurer la prestation.
IV.3 – La procédure.
Une mise en demeure préalable doit être adressée au titulaire du marché public que l’on souhaite résilier. Il est préférable qu’elle soit faite par lettre recommandée avec accusé de réception en indiquant clairement les reproches de l’EPLE vis-à-vis de l’exécution du marché, en laissant un délai suffisant au fournisseur pour rectifier les manquements et en indiquant si la résiliation sera simple ou aux frais et risques du titulaire. En matière de marché public dont les prestations attendues ne sont pas satisfaisantes il est indispensable de « monter un dossier » avec des écrits, et de ne pas se contenter d’entretiens téléphoniques. Il est souhaitable de constituer un dossier avec copies des courriels et des lettres avant de procéder à la mise en demeure s’il s’agit de dysfonctionnements, et non d’une absence de prestation. Trop souvent lorsqu’ils ont atteint la limite de leur patience et qu’ils souhaitent passer au stade supérieur vis-à-vis d’un fournisseur incompétent les gestionnaires ne peuvent faire état que de vagues plaintes par communications téléphoniques, et ne sont pas en mesure de prouver l’ancienneté et la persistance des problèmes. Il est fortement conseillé de toujours doubler une communication téléphonique par un échange de courriel, ceci afin de pouvoir s’y référer ultérieurement en cas de besoin. Un mail du style « suite à communication téléphonique de ce jour avec…. Je vous confirme que je rencontre le problème suivant… j’ai pris note de votre engagement de… etc… » peut s’avérer fort utile pour l’avenir. Ce conseil est valable pour les litiges dans le cadre des marchés mais également pour tout autre problème ayant notamment trait à des livraisons, des factures, etc… Cela évite par exemple de recevoir plusieurs mois ou années après un rappel pour une facture que, par téléphone, la société vous avez pourtant indiqué annuler ; sans avoir d’élément concret à y opposer.
S’il n’est pas donné suite à la mise en demeure, l’EPLE peut résilier unilatéralement le marché public ; là aussi par lettre recommandée avec AR. Cette décision doit être motivée et doit mentionner expressément le type de résiliation conformément à ce qui avait été annoncé dans la mise en demeure et sa date d’effet. Ne pas oublier de mentionner les voies de recours et, dans la mesure du possible, d’indiquer la situation financière du contrat résilié : ce qui est dû au fournisseur et ce qu’il doit à l’établissement.
Attention au signataire de cette décision. Il convient de noter que lorsqu’il s’agit de marchés pluriannuels n'entrant pas dans le champ de la délégation donnée par le conseil d’administration au chef d’établissement pour les marchés à incidence annuelle, la décision de les résilier ne peut que résulter d'une nouvelle délibération du CA ; c’est l’application du principe juridique du parallélisme des formes.
IV.4 – Le contentieux de la résiliation.
Le cocontractant de l’administration s’il conteste la validité de la résiliation peut saisir le juge dans les deux mois suivant la date à laquelle il a été informé. Et s’il estime qu’il y a urgence à suspendre l’annulation de la résiliation le titulaire du contrat peut demander la suspension de la résiliation devant le juge des référés. Selon les arguments présentés par les deux parties et la gravité des dysfonctionnements avérés, le juge administratif peut soit rejeter la demande présentée par le fournisseur, soit lui octroyer une indemnité ou encore ordonner la reprise des relations contractuelles en annulant la résiliation.
En règle générale on constate que la jurisprudence est souvent favorable à la personne publique ; et un établissement n’a pas à craindre d’engager une procédure en résiliation d’un marché public lorsque son dossier est solide.