Extrait d'un article que j'ai rédigé pour la revue de l'AJI :
LLes contentieux administratifs Il convient de se rappeler que les marchés publics sont des contrats administratifs ; c’est pourquoi les procédures de passation des contrats de la commande publique peuvent être contestées devant le juge administratif. Ce juge veille au respect des principes constitutionnels de la commande publique, en particulier à l’égalité d’accès à celle-ci et à la transparence des procédures.
Plusieurs recours peuvent être intentés par les tiers intéressés : chacun est soumis à un régime spécifique. Ils peuvent être formés avant ou après la conclusion du contrat (document établissant le marché), devant le juge de l’urgence ou le juge du contrat. Ce risque de contentieux doit être pris en compte par les acheteurs publics, dont l’action est soumise au contrôle du juge, tout au long de la passation du contrat et après sa signature.
Le juge est doté de pouvoirs importants et diversifiés : il peut arrêter une procédure de passation à tous les stades, annuler un marché, moduler son effet dans le temps, et depuis 2009, infliger à l’acheteur négligent une amende financière. Rappelons, par ailleurs, que violer les dispositions législatives ou règlementaires relatives à la publicité et à la mise en concurrence peut constituer un délit pénalement sanctionné (voir ci-après le délit de favoritisme).
- Référé pré-contractuel Le référé précontractuel est possible jusqu’à la signature du marché.
Il a pour but d’empêcher la passation d’un contrat qui méconnaitrait les règles de publicité et de mise en concurrence applicables. Il permet aux candidats qui constatent un manquement à ces règles, d’obtenir du juge du référé qu’il prononce les mesures nécessaires pour y remédier, avant la signature du marché.
Les personnes habilitées à engager ce référé sont « celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement » ; ce sont les concurrents non retenus (arrêt CE, SMIRGEOMES, 3 octobre 2008). Cette action est également possible pour le préfet dans le cadre de son contrôle de légalité.Une autre catégorie de personne peut également intenter ce référé mais dans une moindre mesure, les « concurrents potentiels » (candidats dissuadés de déposer une candidature en raison de la violation des obligations de publicité et de mise en concurrence).
Le recours doit être déposé avant la signature du marché, ce qui interdit alors la signature. Il faut également notifier la requête à l’acheteur public. Si la demande intervient après la signature, le recours est irrecevable et le requérant devra se tourner vers une autre procédure contentieuse.
Le requérant ne peut invoquer que des moyens tirés des manquements de l’acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, lors de la procédure de passation du marché. Ces manquements peuvent porter sur la définition du marché et des prestations attendues, sur les obligations de publicité, l’information fournie aux candidats, le respect des documents de la consultation, l’analyse des offres au regard des critères annoncés et les motifs de rejet. Encore faut-il que ces manquements, « eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, aient été susceptibles d’avoir lésé ou risquent de léser l’entreprise, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ». Le requérant doit apporter des éléments d’explication en ce sens.
Le recours aboutit rapidement : le juge statue entre le 16ème jour après envoi de la décision de rejet aux candidats (le 11ème pour un envoi par voie électronique ou en MAPA) et le 20ème jour suivant le dépôt de la requête. Il s’agit de l’application du délai de standstill qui sera développé plus loin.
En matière de référé précontractuel les pouvoirs du juge sont importants ; il peut annuler totalement ou partiellement la procédure, supprimer des clauses, ..., en tenant compte, notamment au regard de l'intérêt public, de conséquences excessives de ces mesures.
L’existence du référé précontractuel n’interdit pas au demandeur d’exercer d’autres voies de recours, notamment de présenter un recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat en l’assortissant d’une demande de référé suspension.
- Référé contractuel Le référé contractuel intervient après la signature du marché.
Il permet de sanctionner les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, après la signature du contrat.
Le juge du référé contractuel peut être saisi par les mêmes personnes que pour le référé précontractuel.
Par ailleurs, si l’acheteur a respecté la suspension de signature que lui impose un référé précontractuel, ou s’est conformé à la décision du juge du référé précontractuel, aucun référé contractuel ne peut être exercé. De plus, la jurisprudence estime qu’une entreprise qui avait la possibilité de saisir le juge du référé précontractuel mais ne l’a pas fait n’a plus le droit de recourir au référé contractuel.
On peut de manière exceptionnelle exercer successivement les deux référés :
- lorsque l’Administration ne s’est pas conformée à la décision du juge du référé précontractuel ;
- lorsque l’Administration, bien qu’informée de l’exercice d’un référé précontractuel, a quand même signé le contrat durant la procédure ;
- lorsque l’Administration a donné des informations erronées ou incomplètes ou n’a donné aucune information au concurrent évincé l’empêchant ainsi de mettre en œuvre le référé précontractuel ;
Le référé contractuel peut être exercé dans un délai de :
- 31 jours, à compter de la publication d’un avis d’attribution du contrat au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE) ou, pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique, à compter de la notification de la conclusion du contrat ;
- 6 mois, à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat, si aucun avis d’attribution n’a été publié ou si aucune notification de la conclusion du contrat n’a été effectuée. L’acheteur a donc intérêt à publier un avis d’attribution, le plus rapidement possible après la notification du contrat.
Le référé contractuel est destiné à sanctionner les irrégularités les plus graves : les moyens invocables sont moins nombreux que pour le référé précontractuel et il appartient au juge de vérifier que les manquements invoqués par le candidat évincé ont « affecté ses chances d’obtenir le contrat ».
Seuls peuvent être invoqués :
- l’absence totale de publicité,
- l’absence de publication au JOUE si celle-ci est obligatoire,
- la violation du délai de standstill,
- la violation de la suspension de la signature du contrat liée à la saisine du référé précontractuel,
- la méconnaissance des modalités de remise en concurrence pour les contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique.
Lorsque le référé contractuel apparait fondé, le juge a la faculté de prononcer la mesure la plus adéquate : soit l’annulation du contrat ou une mesure de substitution (résiliation, réduction de la durée du contrat, pénalité financière…). Toutes ces sanctions sont applicables aux marchés passés selon une procédure adaptée.
- Délai de standstill Le standstill est un délai suspensif entre la communication de la décision de rejet d’une offre de marché et la signature de ce dernier afin de permettre aux candidats non retenus d'engager, le cas échéant, une procédure de recours. Ce délai de standstill permet à un candidat évincé de contester en temps utile la méconnaissance par un pouvoir adjudicateur, de ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence.
Pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours est respecté entre la date d’envoi de la notification prévue au deuxième alinéa du II de l’article 99 du décret du 25 mars 2016 et la date de signature du marché public par l’acheteur. Ce délai minimal est porté à seize jours lorsque cette notification n’a pas été transmise par voie électronique.
En procédure adaptée, seule la notification de rejet au soumissionnaire concerné est obligatoire (article 99 du décret n° 2016-630 du 25 mars 2016 et article 101). Mais, même s’il n'y a pas réglementairement de délai de standstill à respecter par l’acheteur public, il est vivement conseillé de le faire.
En effet on a vu que si le candidat évincé a été informé du rejet de son offre et qu’il n’a pas fait de référé-précontractuel, il se ferme la possibilité de faire un recours contractuel. Or, tant qu’un marché n’est pas signé il n’ouvre aucun droit pour le candidat retenu. Donc si un référé précontractuel survient durant les 16 jours qui séparent la notification du rejet de leur offre aux candidats non retenus et la signature du marché, le seul risque que court l’EPLE est de prendre du retard dans la procédure et le cas échéant de ne pas pouvoir signer le marché et être obligé de recommencer la procédure. Mais sans indemnisation des fournisseurs retenus ou non ; ce qui ne serait pas le cas si une décision était défavorable lors d’un référé contractuel qui pourrait conduire à une condamnation à indemniser certains fournisseurs.
En respectant même pour les MAPA ce délai de standstill on limite donc considérablement les risques financiers liés à une procédure de consultation mal maitrisée.