Dans le cadre d'un contentieux lié à la responsabilité publique, la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux a fondé son jugement du 5 mai 2015 sur une cause exonératoire de responsabilité : la faute de la victime ou, en l'occurrence, la faute du cocontractant de l'administration.
La société Réseau Moulien de Transport avait conclu avec le département de la Guadeloupe une convention de délégation de service public pour l'exploitation d'un lot du réseau de transport public non urbain. Le cahier des charges prévoyait l'application d'une nouvelle grille tarifaire à l'issu d'une période transitoire débutant le 1er juin 2008, jour de mise en application de la convention, et prenant fin dès la mise en place d'une billettique.
La grille tarifaire n'étant toujours pas utilisée au 16 mai 2011, la société a demandé son application au département par courrier. Puis, par deux avenants conclus en juillet 2011, les stipulations de la convention relatives à l'application de cette grille ont été supprimées. La société a ensuite sollicité l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'absence d'application des nouveaux tarifs auprès du département. Celui-ci n'ayant pas répondu favorablement à sa demande, elle a saisi le juge administratif. Le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Réseau Moulien de Transport qui a donc fait appel. La CAA de Bordeaux a relevé une absence de toute diligence de la part de la société délégataire. En effet, celle-ci ne démontrait pas avoir attiré l'attention du département sur le défaut de mise en œuvre de la grille tarifaire avant le 16 mai 2011. Cela constitue pour la cour une faute de nature à exonérer entièrement le département de sa responsabilité contractuelle. Elle a donc rejeté la demande de la société.
Pour trancher ce litige, la CAA a dû déterminer à quelle date la période transitoire prenait fin et si le contrat avait consciencieusement été appliqué par les deux parties. Le cahier des charges fixait la fin de la période transitoire à la date effective d'installation d'une billettique, or, celle-ci a fait l'objet de deux phases. En effet, des tickets papier ont tout d'abord été mis en place avant d'être remplacés par une carte sans contact. La société requérante avançait que la période transitoire prenait fin à la date de cette deuxième étape. La cour a cependant jugé que la première étape réalisait déjà la condition de mise en place d'une billettique effective, le cahier des charges ne faisant pas mention du type de billet à utiliser. La nouvelle grille tarifaire aurait donc dû s'appliquer à compter d'octobre 2008.
Par ailleurs, les juges ont ajouté que, même si la société était impuissante pour effectuer toute action nécessaire au respect du cahier des charges, elle aurait dû mettre en œuvre des moyens appropriés pour que l'administration remplisse ses obligations. Or il n'était fait état d'aucune démarche de l'entreprise en ce sens avant le 16 mai 2011. La CAA a en conséquence considéré que la requérante avait manqué à son devoir de diligence, sa faute exonérant l'administration de sa responsabilité.
En effet, et selon une jurisprudence constante, la responsabilité contractuelle de l'administration peut être recherchée par le cocontractant (CE, 29 décembre 1876, Dalby). C'est notamment le cas lorsque la personne publique n'a pas collaboré de bonne foi à l'exécution du contrat. Elle pourra ensuite être exonérée de sa responsabilité dans deux hypothèses : en cas de force majeure ou de faute de la victime, la faute du tiers n'ayant pas d'effet en responsabilité contractuelle.
La CAA de Bordeaux a donc rejeté la demande en dommages et intérêts de la société Réseau Moulien de Transport. Reste à voir si elle se pourvoira en cassation devant le Conseil d'Etat...
CAA Bordeaux, 5 mai 2015, n°13BX01342
source : lettre Localtis du 11 juin 2015
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