Prime bien méritée

On a eu un exemple flagrant cette semaine avec les résultats d'admissibilité en lettres classiques... Un candidat admissible (et non admis) pour deux postes.  Tout le monde s'émeut, tout le monde pleure. Mes PLP sont outrés. (Oui enfin un prof de lettres classiques en LP, c'est rare, quand même.)
Et ?

Ca fait vingt ans que le nombre de postes de lettres classiques diminuent dans les établissements secondaires, on espérait quoi ? Que des hordes de romains envahissent le concours pour tartiner du latin à qui veux-tu pour compenser les diplômés français qui n'ont jamais vu une déclinaison de leur vie ?
Pourquoi ouvrir tant de postes de lettres classiques alors que cela devient une hyper spécialité ?
Pourquoi s'offusquer du faible nombre de candidats ?
Pourquoi continuer à faire du neuf avec du vieux ?
Le niveau d'orthographe des élèves touche le fond du fond, les profs de français qui ont fait latin et grec pourront-ils y pallier ?

On rêve encore de l'école de nos grands-pères avec la blouse noire, le béret et les godillots. On se coltine toujours des analyses de texte en français qui relèvent du délire le plus total et qui font marrer tous nos voisins. Quand j'étais en sup, mon directeur international des études était néerlandais et il prenait l'Educ Nat pour un repaire de pervers et de tarés à obliger les gamins de 15 ans à réflechir à la satire chez Rabelais, plutôt que d'apprendre à simplement s'exprimer correctement ou à savoir faire un exposé sans avaler une boîte de calmants.

Voiilà en quoi nous ne sommes pas bons et ce, depuis longtemps. Nous avons trop de velléités de "culture" à l'école, avant même que les fondamentaux soient acquis. Il suffit de regarder tous les plans académiques... et tous les projets d'établissements. La culture et l'international. Mais pas grave si nos mômes ne savent pas faire une addition...

Les autres pays font plus simples. Beaucoup plus simples. J'ai traîné mes guêtres de lycéenne et d'étudiante dans plusieurs d'entre eux : je ne saurais dire si j'avais vraiment de l'avance sur mes camarades ou si ce que j'avais appris en France n'avait tout simplement aucun mais vraiment aucun intérêt.

ça me rappelle des propos de prof de français qui en LP ne comprennent pas qu'il faudrait qu'ils apprennent aux élèves à faire un CV

et puis à part prof de français à quoi sert les études supérieure en lettres , quelle débouché professionnel, il faut tout revoir effectivement, ou limiter le nombre d'éleve dans ces filières, mais là on touche à ""notre mentalité et notre régime politique""

Xena a écrit:

Les autres pays font plus simples. Beaucoup plus simples.

Voire simpliste...

Quand je vois, par exemple, un sondage fait dans plusieurs facs américaines où les étudiants sont infoutus de situer sur leurs continents respectifs divers pays étrangers (dont notamment le Canada...), je me dis qu'il y a aussi là des progrès à faire.

L'"ambition" de notre système éducatif est louable en soi, le pragmatisme des systèmes anglo-saxons l'est tout autant. Tout dépend de ce que ça sous-tend.
Chez nous, notre système est fondé sur un savoir universitaire séculaire, écrit, l'apprentissage quasi-sacralisé des "humanités". C'est ce qui explique bien des choses; l'existence de programmes qu'il faut respecter, venant de corps d'inspection déconnectés des réalités éducatives du terrain et de leurs besoins, la pédagogie vue comme un savoir spécifique et non comme quelque chose qui s'apprend comme tout le reste, la mise en avant de disciplines "nobles" et intellectuelles au détriment de savoirs concrets ou de la mise en oeuvre anglo-saxonne du "mens sana in corpore sano" .
Les anglo-saxons sont beaucoup plus pragmatiques et voient les choses de façon beaucoup plus concrète; quand en France on dit de quelqu'un qu'il est écrivain, on a une image d'un artiste, seul, qui "crée" ex nihilo au gré de son inspiration, de son "style" voire de son génie créatif. Les américains eux ont des ateliers d'écriture où on apprend concrètement à écrire de la littérature, où toute expérience est bonne à prendre (on ne compte plus les grands écrivains américains qui ont aussi été journalistes, scénaristes, voire se sont coltiné les métiers les plus divers en lieu et place d'études universitaires).

Notre système éducatif est donc imprégné de cette culture livresque et en cherchant à la reproduire en la perpétuant, accentue par ce biais les inégalités avec un fossé de plus en plus grand entre ceux qui ont déjà accès à ce savoir, et ceux, de plus en plus nombreux, qui n'y ont pas accès ou n'en bénéficient pas, parce qu'ils ne peuvent ou même ne le veulent pas: la société elle-même se contentant de ce minimum culturel (et quelle "culture" ?), tout les pousse à ne pas avoir, sauf exception, cette ambition. Le faible niveau en maths, l'orthographe largement défaillante ou l'indigence du vocabulaire ne sont que les symptômes d'une pauvreté culturelle et intellectuelle qui devient toujours plus prégnante.

Ce n'est pas le fait d'étudier Rabelais qui pose problème (même si le faire en vieux français sur le niveau 5ème comme à mon époque était une aberration et le meilleur moyen de dégoûter les jeunes cerveaux); un bon prof saura en tirer la substantifique moelle, en faire ressortir la vitalité et la truculence; ce qui me gène, c'est surtout ce que l'Ecole est en train de devenir: une énorme foire à tout, où au milieu de cours de matières classiques, on se doit de "former" les élèves à un ensemble hétéroclite de savoirs qui relèvent en fait d'une éducation autre que scolaire, parce que la société s'en "débarrasse" ainsi à bon compte et en toute bonne conscience (si le "message" est mal passé, ce sera la faute de l'Ecole, ça tombe bien, elle a bon dos). Je me souviens ainsi d'une tribune parue dans Le Monde après les attentats de Charlie Hebdo où des enseignants s'auto-flagellaient quasiment parce qu'ils avaient "failli", puisque les auteurs des attentats sortaient tous de notre système scolaire.

Sans aller jusque-là, tous ces savoirs, cette éducation à... (liste interminable suit), se font sur le temps scolaire, et la plupart du temps à la place des cours traditionnels. Sans tomber dans le côté passéiste dictées-tables de multiplication-Marignan 1515, on peut aussi penser que revenir à ces fondamentaux (lettres-maths-histoire-géo-sciences sans oublier l'EPS), en simples termes de volumes horaires obligatoires, hébin ça aiderait un peu plus nos ouailles que leur seriner année après année des préceptes de l'éducation citoyenne telle que la conçoit la société qui donne à voir tous les jours qu'elle a beaucoup de mal à s'y conformer elle-même, y compris ceux censés donner l'exemple.

Comme on s'éloigne du sujet initial
 

oui il y a un problème dans notre société française, et il ne vient pas de l'école, mais bien de la société, des familles etc

Pois a écrit:

reste à savoir d'où vient le problème, pour en sortir une solution

Une théorie simpliste incrimine un serpent, une pomme et une femme, d'autres mettent en cause des reptiliens ...

Moi je dis qu'à l'époque où les femmes tenaient leur ménage et éduquaient les enfants de la Patrie dans le respect du Crédo, tout allait mieux.

un léger sarcasme teint mes propos...

Si l'école était moins dans des ambitions de centre aéré, ça irait mieux.
L'objectif de l'école française est de dégager les futures élites. Quand on les a, on forme quelques techniciens sup puis la piétaille. Les autres, on s'en tamponne. On fait garderie pour que les parents aillent bosser (quand ils ont du boulot).
Le reste, c'est de la littérature.

Quand aux propos de Pois, inutile de lui expliquer ce qu'est la culture générale...

Non, l'objectif de l'école était de former des ouvriers d'usine au moment de l'industrialisation.

C'est désormais la très très même chose.
Les élites ne sont pas utiles sans employés et ouvriers dociles. C'est à cela que nous les formons. Rien de plus. Sachons raison et humilité garder.
Et ce n'est pas l’Éducation Nationale qui forme ces élites. Elles sont cooptées par quelques écoles qui ne sont que très très indirectement reliées à l'EN et vaguement par une université qui n'a jamais fait partie de l'Education Nationale, quoi qu'on en dise. L'univers ne s'arrête pas à la Nation.

Certes nous sommes très très très loin du sujet des primes de perdir.

Il ne faut pas négliger non plus les nécessités de la formation de chair à canon fraîche et consentante. Je ne sais pas quel est le classement de la Russie dans PISA, mais je crains que Proutine n'ait quelque retard dans ce domaine important, car il semble qu'il y ait un peu trop de jeunes Russes mâles insuffisamment disposés à se faire trouer la peau pour le bon plaisir de leur président bien-aimé...

Les deux ! N'oublions pas qu'il y avait deux systèmes éducatifs : le certificat d'études et les humanités (le lycée). Le latin et le grec n'étaient pas pour les ouvriers. A côté c'est quand même mieux si tes ouvriers savent lire la notice de la bétonnière.

On a mélangé tout cela, a-t-on réussi ? Vieux débat interminable franco-français.

Xena a écrit:

Non, l'objectif de l'école était de former des ouvriers d'usine au moment de l'industrialisation.

Paqueux, paqueux !
Et il ne faut pas croire que les élites sont toutes formées en dehors du système public.
Il est très intéressant de voir le boulot que doivent fournir les - quelques - profs de ZEP +++ que j'ai connus qui accompagnent des marmots tous bronzés et initialement destinés à renforcer la démographie de Fleury-Mérogis et les commentaires qu'ils font tout au long de l'accompagnement de ces mômes jusqu'au bac !
Égalité ? Fraternité ? Ceux-là n'y ont pas droit. Liberté ? De tenter leur chance et de ramer comme personne pour égaler le niveau des autres qui sont passés par les bons quartiers.

Mes "zélites" ont été formées au fin fond de la Creuse collège avec des CSP pas favorisées et lycée de "petit centre ville", un normalien  plus tard ( a été admis à l'X aussi....)et un préparationnaire plus tard , je me dis que c'est toujours possible parce que d'autres gamins sont passés par la même case ...Et même si le phénomène est peut être rare il ne faut pas le négliger aussi. Mais on s'éloigne on s'éloigne ... quid  du pognon ?

Pour en revenir au sujet ("prime bien méritée"), nos CE sont installés dans une injonction paradoxale : pas de versement conditionné à un nombre de remplacements, mais le taux de remplacement devient un indicateur du bon fonctionnement d'un établissement.

Goldored a écrit:

Quand aux propos de Pois, inutile de lui expliquer ce qu'est la culture générale...

c'est à dire ? 

et on écrit "quant aux", quand avec un T quand il est suivi par aux 

Creusoise a écrit:

Mes "zélites" ont été formées au fin fond de la Creuse collège avec des CSP pas favorisées et lycée de "petit centre ville", un normalien  plus tard ( a été admis à l'X aussi....)et un préparationnaire plus tard , je me dis que c'est toujours possible parce que d'autres gamins sont passés par la même case ...Et même si le phénomène est peut être rare il ne faut pas le négliger aussi. Mais on s'éloigne on s'éloigne ... quid  du pognon ?

Le problème n°1 des gamins de la Zone, c'est d'abord l'existence de très nombreuses distractions du fait d'une grande concentration de jeunesse désoeuvrée. Difficile de se mettre au boulot quand on est entouré de gens un peu plus âgés qui ne font rien (et qu'ils en soient satisfaits ou pas c'est une autre question). Il se pourrait que la Creuse pose moins ce type de problèmes.

Ensuite l'argent explique bien sûr beaucoup de choses, mais le paramètre qui colle parfaitement avec la réussite scolaire des enfants, des tout meilleurs aux cancres irrécupérables, et qui écrase statistiquement l'influence du revenu, de l'origine sociale ou scolaire des parents, c'est le nombre de mètres carrés disponibles par membre de la famille.

pois a écrit:

tu n'es pas champion non plus 

Non, je ne suis pas un champion, mais globalement, quand j'ai le temps de me relire, le "t" du "quant" ne m'échappe pas.
Quand penses-tu ?

L'intendant zonard a écrit:

Ensuite l'argent explique bien sûr beaucoup de choses, mais le paramètre qui colle parfaitement avec la réussite scolaire des enfants, des tout meilleurs aux cancres irrécupérables, et qui écrase statistiquement l'influence du revenu, de l'origine sociale ou scolaire des parents, c'est le nombre de mètres carrés disponibles par membre de la famille.

Le sexe, la couleur de peau, l'origine géographique (et pas seulement celle des antipodes !) et sociale, la capacité à comprendre les attentes du système, l'investissement du système éducatif, la perspective d'avenir statistiquement probable dans ton bled/quartier... ne sont pas des éléments à négliger quand bien même ces m² comptent en effet.

Goldored a écrit:

Quand penses-tu ?