Dans la livraison de novembre de la LIJ :
C.E., 27 septembre 2021, Ministre des armées, n° 440983, aux tables du Recueil Lebon
À la suite de son entretien annuel d’évaluation, la requérante, personnel civil du ministère des armées, avait consulté son médecin traitant qui lui avait prescrit un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif avec risque suicidaire. Le refus de l’administration de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie avait été annulé en première instance, annulation confirmée par la cour administrative d’appel de Nantes.
Saisi d’un pourvoi formé par la ministre des armées, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour et rejeté la requête.
Après avoir rappelé la définition de l’accident de service aux termes de laquelle « constitue un accident de service, pour l'application [de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État], un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci » (cf. C.E., 6 février 2019, n° 415975, aux tables du Recueil Lebon), le Conseil d’État l’a complétée s’agissant des situations relevant de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, à l’instar d’un entretien d’évaluation.
Le Conseil d’État a ainsi précisé que : « (…) Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches, ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. » (Point 3.)
Le Conseil d’État a jugé que la cour, en se limitant aux seules constatations médicales, sans relever aucun élément de nature à établir que par son comportement ou par ses propos la supérieure hiérarchique aurait excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, avait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Statuant au fond, le Conseil d’État a relevé que l’entretien s’était déroulé dans des conditions normales et a jugé que, partant, « la circonstance que Mme X aurait ressenti "un choc" à l'écoute de reproches qui lui ont été faits à cette occasion, lequel aurait provoqué un syndrome anxio-dépressif, n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'elle aurait été victime d'un accident de service » (point 7).
N.B. : Cette décision constitue une évolution importante de la jurisprudence relative aux accidents de service (cf. C.E., Section, 16 juillet 2014, n° 361820, au Recueil Lebon, et C.E., 6 février 2019, n° 415975, aux tables du Recueil Lebon).
La qualification d’« accident de service » de certaines pathologies psychiques, du seul fait de leur manifestation sur le lieu et dans le temps du service, et consécutivement à des évènements ne présentant aucune forme d’anormalité, pouvait ainsi faire échec à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.
Cette décision du Conseil d’État conforte la politique jurisprudentielle menée en la matière par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ainsi, dans un arrêt rendu sur la requête du ministre, la cour administrative d’appel de Marseille a estimé à propos de conversations d’ordre professionnel entre une professeure des écoles et son supérieur hiérarchique que « pour regrettables que soient les propos de [l’inspecteur de l’éducation nationale et d’un conseiller pédagogique], le manque de tact et de mesure qu’ils manifestent ne suffit pas, en l’absence d’autres éléments susceptibles d’établir le caractère pathogène des conversations en cause, à faire regarder ces (…) conversations téléphoniques comme des évènements survenus à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service et dont il serait résulté une lésion au sens de la législation sur les accidents de service » (C.A.A. Marseille, 17 mai 2021, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 20MA00249).
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"Mad Max en Père-la-Vertu, on aura tout vu !!!" (Tavi Lou Pastou, 10 avril 2013)
"Comme pertinemment indiqué par mon vieux pote Mad Max (le lapin rouge, le 25 octobre 2021, mais comme dirait Obélix, je ne suis pas vieux !)