https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/evasion-fiscale-le-blues-de-la-lanceuse-d-alerte-4968116
Stéphanie a été, pendant plus de dix ans, responsable marketing et communication de la filiale française d’UBS, l’Union des banques suisses, un établissement spécialisé en gestion de fortune. Enthousiaste quant à l'idée de mettre en avant une marque, elle organise des évènements dans des golfs, des restaurants ou encore des hôtels, pour attirer de la clientèle haut-de-gamme, y compris celle de la concurrence. "J'ai aimé mon boulot très fort. Tout allait bien." Stéphanie.
"En neuf ans chez UBS, je n'ai jamais entendu ni le mot évasion fiscale, ni le mot fraude fiscale."
Le 25 juin 2008, elle apprend qu'une perquisition vient d'avoir lieu dans le bureau du directeur général de la banque. Cette perquisition fait suite à la dénonciation, par un employé américain d'UBS, de fraudes au bénéfice des clients de la filiale américaine de la banque. La supérieure hiérarchique de Stéphanie lui demande de détruire tous les fichiers relatifs aux évènements clients qui sont stockés sur son disque dur. "Qu'est-ce que la destruction de mes fichiers Excel comportant le nom des clients venus sur les évènements que j'ai organisés depuis dix ans avait à faire avec cette perquisition ?" Stéphanie.
Il s'avère que l'affaire américaine n'est pas un cas isolé. Stéphanie a du mal à y croire : "Je me dis qu'on est en France, qu'il y a des autorités de contrôle, des audits internes, externes, une comptabilité..." Stéphanie.
"Je rentre chez moi complètement sonnée en me disant que je suis au cœur d'un scandale dont j'ignore les tenants et les aboutissants."
C'est le directeur du bureau de Strasbourg qui alerte Stéphanie : en organisant des évènements au profit de clients ultrariches, elle aurait favorisé un démarchage illicite ayant conduit à ce que de nombreux français puissent placer leur argent en Suisse et éviter ainsi le paiement d'impôts en France. Elle apprend en effet qu'une grande quantité de transactions ne sont pas déclarées dans la comptabilité officielle de la banque. "Si j'avais su que le modèle bancaire d'UBS était d'aider les clients à frauder, je n'y serais jamais rentrée, avec les valeurs et l'éducation que j'ai. Je me suis sentie trompée, et coupable de n'avoir rien vu." Stéphanie.
Mais au lieu de supprimer les données litigieuses, Stéphanie épluche, chez elle, tous les dossiers qu'elle possède. Elle y trouve des recommandations et techniques pour frauder le fisc. En parallèle, elle subit, au travail, du harcèlement de la part de sa supérieure hiérarchique, qui ne cesse d'insister pour qu'elle supprime ces documents. De fil en aiguille, Stéphanie se retrouve devant l'inspection du travail qui lui recommande de déposer une plainte contre UBS. "UBS, c'est la banque des personnes qui détiennent toute l'économie. Qu'allait-il m'arriver si je portais plainte ? " Stéphanie.
Stéphanie se décide finalement à porter plainte, pour six motifs, parmi lesquels le démarchage illicite des banquiers suisses en France, mais aussi le harcèlement subi de la part de sa supérieure.
Deux ans plus tard, les douanes françaises interceptent Stéphanie à Rolland-Garros et lui demandent des informations très précises portant sur les clients ayant participé aux évènements qu'elle a organisés. "Ils me donnent des instructions et j'obéis parce que je me dis que ces gens-là sont mes sauveurs." Stéphanie.
"On dit que les lanceurs d'alerte sont des vigies citoyennes qui font preuve d'exemplarité, mais ça, se sont des mots."