Par deux affaires en date du 10 avril 2015, le Conseil d'Etat livre des précisions quant aux différents délais de la procédure de passation d'un marché public. Dans la première affaire, l'Etat avait transféré au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la compétence du service de la sécurité civile. Un appel d'offres a donc été engagé pour la passation d'un marché à bons de commande de prestations aériennes de sécurité civile, de secours et de sauvetage. Ce marché impliquait l'utilisation d'un hélicoptère disposant d'un équipement et d'un équipage susceptible d'exercer en milieu périlleux. La société TAT, candidat évincé, a saisi le juge des référés afin de faire annuler la procédure de passation. Le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a fait droit à cette demande et le pouvoir adjudicateur s'est pourvu en cassation contre l'ordonnance litigieuse.
Pour rendre sa décision, le juge du Palais Royal a dû déterminer si le délai de quatre semaines entre la date de remise des offres et la date du début d'exécution du marché était constitutif d'un manquement aux obligations de mise en concurrence. De plus, la société TAT reprochait diverses imprécisions au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, or le candidat avait la possibilité de demander de plus amples informations sur les points manquant selon lui de clarté. D'après le Conseil d'Etat, si l'entreprise n'a pas demandé plus d'informations, elle ne peut ensuite le reprocher à la personne publique.
Un début d'exécution prématuré ?
Le pouvoir adjudicateur a prévu que l'exécution du marché débuterait quatre semaines après la date de remise des offres. Pour le tribunal administratif, ce délai était trop court et ne permettait pas aux candidats de se préparer à soumissionner alors même que certains opérateurs pouvaient déjà offrir les prestations requises. Néanmoins, selon le Conseil d'Etat, il importait de rechercher si "le délai retenu était manifestement sans rapport avec les besoins identifiés". En effet, la durée de ce délai n'est fixée par aucun texte mais elle doit permettre aux candidats de "soumissionner utilement". En l'espèce, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avançait avoir choisi cette date de début d'exécution afin de disposer des moyens de secours pour la saison cyclonique. La haute juridiction a déclaré qu'il n'était pas prouvé que cette nécessité soit sans rapport avec les besoins identifiés ou que cela ait empêché des entreprises de déposer leur candidature. Aucun manquement de la part de la personne publique n'était donc à signaler. Le Conseil d'Etat a ainsi annulé l'ordonnance du juge des référés et rejeté la demande de la société TAT.
Un hélicoptère peut en cacher un autre
Dans une affaire similaire, la société candidate TAT avait demandé au juge du référé précontractuel d'annuler la procédure de passation d'un marché de missions de service médical par hélicoptère initiée par le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie. Le juge du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir suspendu la procédure par une première ordonnance, a prononcé son annulation par une deuxième ordonnance en date du 18 décembre 2014. Le Conseil d'Etat a ensuite été saisi des recours de l'hôpital et d'une autre candidate, la société Hélicocéan, contre cette annulation. La haute juridiction s'est interrogée sur le délai de validité des offres, sur la méthode de notation employée par le centre hospitalier et sur la question du respect de l'égalité de traitement entre les candidats.
Sur ce dernier point, le fait qu'une société soit avantagée par sa fonction de transporteur public de voyageur ne doit pas être regardé comme discriminatoire. En effet, cette situation résulte de modalités d'utilisation des hélicoptères justifiées au vu des besoins de la personne publique et de l'objet du marché.
Plus de flexibilité pour le délai de validité des offres
Le délai de validité des offres est la date limite jusqu'à laquelle une entreprise est liée par son offre. Il est librement fixé par les parties et a pour objet non seulement de protéger les entreprises mais également les acheteurs contre une durée excessive d'une procédure de passation. Ce délai peut être prolongé à certaines conditions. L'accord de toutes les parties doit avoir été recherché. Il doit en effet résulter d'une demande expresse de l'administration et non d'une simple absence de retrait des offres par les candidats. Les sages du Palais Royal admettent ici la poursuite de la procédure pour les candidats qui l'acceptent. Le Conseil d'Etat n'exige donc pas que l'ensemble des candidats consentent à la prolongation pour que la procédure continue. La CAA de Marseille s'était prononcée sur cette question mais avait opté pour une solution plus rigoureuse (CAA Marseille, 25 mai 2007, n° 04MA00916). Elle prévoyait la prorogation du délai à condition que l'ensemble des candidats aient donné leur accord. Par ailleurs, il est précisé dans un arrêt de 2007 qu'un marché public signé postérieurement à la date de la limite de validité des offres des entreprises est valablement formé si le choix de l'entreprise retenue est arrêté par la commission d'appel d'offres avant l'expiration du délai de validité des offres (CE, 5 octobre 2007, n° 298773).
"Une simple méthode de notation"
De plus, la méthode de simulation de l'exécution des prestations établie par le pouvoir adjudicateur n'a pas à être rendue publique. En effet, "la personne publique définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres". Ces critères doivent être rendus publics mais pas la méthode elle-même (CE, 2 août 2011, n° 348711). Elle ne contrevient à l'égalité de traitement que si elle neutralise les critères de sélection ou leur pondération, et ce, que la méthode de sélection ait été rendue publique ou non. En l'espèce, elle ne peut être considérée comme discriminatoire car les offres n'avaient pas encore été examinées. Le Conseil d'Etat a donc, une fois encore, annulé l'ordonnance et rejeté la demande de la société TAT.
CE, 10 avril 2015, n°385617
CE, 10 avril 2015, n°386912
source : lettre Localtis du 24 avril 2015
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"Mad Max en Père-la-Vertu, on aura tout vu !!!" (Tavi Lou Pastou, 10 avril 2013)
"Comme pertinemment indiqué par mon vieux pote Mad Max (le lapin rouge, le 25 octobre 2021, mais comme dirait Obélix, je ne suis pas vieux !)