Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 27 mars 2015, témoigne d'un certain pragmatisme face à la question de l'annulation des procédures de marchés publics. Il semble en effet indiquer que le bon sens et le souci d'efficacité recommandent de ne recourir à l'annulation que si les circonstances l'exigent.
Dans cette affaire, la commune d'Arcueil avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché public de services portant sur des prestations de médiation de nuit. Les deux offres reçues ont été jugées inacceptables en raison de leurs prix trop élevés. La décision notifiée aux candidats par une lettre en date du 29 septembre 2014 annonce par la même occasion l'ouverture d'une procédure négociée. A l'issue de celle-ci, la société Optima a remporté le marché.
La société Groupe Progard France, candidat évincé, a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Melun afin d'obtenir l'annulation de la procédure de passation du marché. Le juge ayant fait droit à cette demande, l'association Optima s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat.
Plusieurs questions se sont posées dans le cadre de la procédure négociée, notamment celles de savoir si les conditions pour recourir à cette procédure étaient effectivement réunies et si la commune d'Arcueil avait manqué à ses obligations en ne précisant pas dans la lettre de consultation la liste des documents à fournir et la date limite de réception des offres. Le Conseil d'Etat a également contrôlé le respect du principe d'égalité de traitement entre les candidats et a dû déterminer si l'offre de l'association Optima était acceptable au regard de l'objet du marché.
La haute juridiction a estimé que la négociation n'était pas irrégulière et que rien ne justifiait l'annulation de la procédure. L'ordonnance du juge des référés a donc été annulée et la demande de la société Groupe Progard France rejetée.
La qualification de l'objet du marché
En première instance, le juge des référés avait considéré que l'objet du marché relevait du code de la sécurité intérieure en ce qu'il concernait des activités de surveillance et de sécurité des personnes. Or, ce genre d'activité implique d'être immatriculé au registre du commerce et des sociétés et surtout d'être titulaire d'un agrément spécifique. Tout contrat se rattachant au domaine régalien fait en effet l'objet d'un encadrement particulier. Les délégations de service public apparaissent d'ailleurs illégales lorsqu'elles ont ces fonctions pour objet (CE, Ass., 17 juin 1932, ville de Castelnaudary, n°12045).
Le Conseil d'Etat est revenu sur l'interprétation du tribunal administratif. Selon lui, l'activité de médiation de nuit consiste seulement en une présence destinée à "renforcer les relations avec et entre les habitants" et à prévenir la police en cas de conflits. La description ainsi faite ne constitue pas une activité de surveillance relevant du code de la sécurité intérieure et ne nécessite donc pas d'agrément pour être acceptable, que ce soit dans le cadre de l'appel d'offres ou de la procédure négociée.
Marchés négociés et offres inacceptables
Après un appel d'offres ou un dialogue compétitif et lorsque seules des offres irrégulières ou inacceptables ont été proposées, l'article 35 du code des marchés publics prévoit la possibilité de recourir à un marché négocié.
Pour rappel, une offre peut être reconnue inacceptable lorsque les crédits budgétaires alloués au marché ne permettent pas au pouvoir adjudicateur d'en financer l'exécution. C'était le cas dans cette affaire, le rejet des offres étant motivé par des prix trop élevés.
Une lettre de consultation litigieuse ?
Par ailleurs, la commune d'Arcueil a envoyé aux deux candidates une lettre de consultation ne mentionnant pas certains éléments prévus par l'article 66 du Code des marchés publics, tels que la liste des documents à fournir et la date limite de réception des offres. Cependant, pour les juges de la haute juridiction, les documents de la consultation ne doivent pas obligatoirement être spécifiés par la lettre d'ouverture de la procédure négociée lorsqu'ils restent inchangés. En effet l'article 35 du Code des marchés publics autorise la négociation sur la base des mêmes documents.
Le Conseil d'Etat a de plus jugé que l'absence de mention de la date limite de réception des offres n'entraînait pas la nullité de la procédure. Le candidat évincé avait pu déposer une nouvelle offre dans les délais impartis, il ne pouvait donc se prévaloir d'aucun intérêt lésé. Les juges du Palais Royal ont en conséquence annulé l'ordonnance du tribunal administratif et rejeté la demande présentée par le candidat évincé.
CE, 27 mars 2015, n°386862
source : lettre Localtis du 2 avril 2015
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