Enseignement scolaire SECOND DEGRÉ
Administration et fonctionnement des établissements scolaires
RELATIONS DE L'ÉTABLISSEMENT AVEC SES COCONTRACTANTS
Contrat de location de photocopieurs – E.P.L.E. – Autorité compétente pour conclure un contrat – Vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement au contrat
C.A.A. Versailles, 11 octobre 2018, Région Île-de-France et lycée X, n° 16VE00460
Une société et un lycée avaient signé deux contrats de location de photocopieurs et autres matériels de reprographie. Après plusieurs mises en demeure et lettres de relance, la société avait résilié les deux contrats en raison du défaut de paiement des loyers échus et avait demandé au lycée de lui verser la somme correspondant aux loyers échus impayés et à l’indemnité de résiliation prévue par les deux contrats.
Par un jugement du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil avait condamné le lycée à verser à la société la somme qu’elle demandait, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et lui avait enjoint de restituer les matériels objets des deux contrats de location litigieux.
Saisie en appel par le lycée et la région Île-de-France, la cour administrative d’appel de Versailles a d’abord rejeté pour irrecevabilité la requête d’appel présentée par la région Île-de-France après avoir rappelé qu’un lycée est un établissement public local d’enseignement (E.P.L.E.) doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière en vertu des articles L. 421-1 et suivants du code de l’éducation et qu’il n’appartient pas à la région d’assurer la défense en justice des intérêts pécuniaires de cet établissement public, quand bien même elle a la charge de son équipement en application de l’article L. 214-6 du code de l’éducation. La cour en a par conséquent déduit que la région n’avait ni intérêt, ni qualité pour faire appel d’un jugement condamnant le lycée à payer à une société cocontractante une somme due en exécution de contrats, et ce, alors même que la région avait été appelée à produire des observations en première instance et que le jugement du tribunal lui avait été notifié.
Se prononçant ensuite sur les conclusions présentées par le lycée, la cour administrative d’appel a rappelé les dispositions des articles R. 421-8, R. 421-9 et R. 421-20 du code de l’éducation aux termes desquelles seul le chef d’établissement est compétent, après accord du conseil d’administration, pour conclure tout contrat ou convention engageant l’E.P.L.E. Elle a alors relevé que les deux contrats en litige avaient été signés par l’agent comptable au nom et pour le compte du lycée, alors qu’il n’avait pas compétence pour engager contractuellement l’établissement. La cour a également relevé qu’il ne résultait pas de l’instruction que le chef d’établissement aurait entendu conclure de tels contrats ou que l’établissement aurait donné son consentement à la passation de ces contrats, et qu’au contraire, l’établissement avait montré qu’il souhaitait mettre un terme à ces contrats puisque le proviseur avait informé la société du vice d’incompétence dont ils étaient entachés, avait cherché avec elle une solution amiable pour y mettre un terme, avait signalé les agissements de l’agent comptable au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, tandis que l’établissement avait rapidement cessé d’utiliser les photocopieurs.
La cour a par conséquent jugé que, compte tenu du vice d’incompétence entachant les deux contrats litigieux et en l’absence de toute circonstance permettant d’estimer que le chef d’établissement et le conseil d’administration du lycée auraient donné leur accord à la conclusion de ces contrats ou à la poursuite de leur exécution, le vice d’une particulière gravité ayant affecté le consentement de l’établissement faisait obstacle à ce que le litige soit réglé sur le terrain contractuel.
La cour a donc annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil condamnant le lycée, sur le terrain contractuel, à verser à la société la somme qu’elle demandait et rejeté les conclusions de la société tendant à obtenir une indemnisation sur le terrain contractuel. Elle a cependant rappelé que le cocontractant d’une personne publique dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre à une indemnisation sur le terrain quasi contractuel ou quasi délictuel.
N.B. : La cour administrative d’appel de Versailles fait ici application de la jurisprudence du Conseil d’État aux termes de laquelle le juge, saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, doit, lorsqu’il constate un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel (cf. C.E. Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, au Recueil Lebon ; C.E., 12 janvier 2011, n° 338551, au Recueil Lebon). Son raisonnement a été similaire s’agissant de la signature d’un contrat de location d’une imprimante par la directrice d’une école maternelle (C.A.A. Versailles, 6 juillet 2017, Société Grenke Location, n° 15VE02279).
Source : LIJ mars 2019.
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