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 Laïcité, qu'a dit la cour de cassation ?

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AuteurMessage
Mad Max
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Mad Max


Nombre de messages : 5057
Date d'inscription : 03/10/2007

Laïcité, qu'a dit la cour de cassation ? Empty
MessageSujet: Laïcité, qu'a dit la cour de cassation ?   Laïcité, qu'a dit la cour de cassation ? EmptyJeu 21 Mar 2013 - 10:41

Après avoir lu l'article, j'ai choisi de le publier in extenso, en info du jour pour éviter les commentaires,
simplement parce qu'il apporte un éclairage différent des réactions médiatiques et politiques que la
récente décision de la cour de cassation a provoquées. Il n'y a donc de ma part aucune volonté de
défendre telle ou telle position sur cette question ou de remettre en cause tel ou tel propos politique
tenu ; il ne s'agit bien que d'informer.

************
[...]
La Cour de cassation confirme la neutralité du service public
Au-delà des réactions très tranchées et même si l'arrêt constitue une surprise - l'avocat général était
favorable à un rejet du pourvoi -, l'affaire n'est pas aussi simple que le laissent entendre les
contestations du jugement. En premier lieu, nombre de réactions semblent ignorer que la Cour de
cassation a rendu deux arrêts le même jour, dans un rapprochement qui ne doit évidemment rien au
hasard. Le premier concerne une "technicienne de prestations maladie" - elle aussi voilée - de la caisse
primaire d'assurance maladie (Cpam) de Seine-Saint-Denis.
Dans cette première affaire, la Cour a confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de l'intéressée,
alors que les Cpam sont des organismes de droit privé avec des salariés relevant du Code du travail
et d'une convention collective (sauf le directeur et l'agent comptable, qui sont agents de droit public)
et qu'en outre, la salariée en question ne travaillait pas au contact du public. Mais la Cour a jugé que "les
principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics,
y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du
Code du travail ont vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance maladie,
ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une
mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses
par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires" et cela "peu importe que la salariée soit ou
non directement en contact avec le public".
C'est la première fois que la Cour de cassation affirme ainsi que les principes de neutralité et de laïcité du
service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont
assurés par des organismes de droit privé.

Une crèche associative ne gère pas un service public
Dans le second arrêt du même jour, le raisonnement est différent. La crèche associative Baby Loup est bien
- comme la Cpam de Seine-Saint-Denis - un organisme de droit privé avec des salariés relevant du Code du
travail. Mais, en dépit de sa mission d'intérêt général, elle n'est pas considérée comme une personne privée
gérant un service public. Dès lors, elle entre dans le droit commun des entreprises, qui ne peuvent licencier
une salariée en invoquant le principe de laïcité et au seul motif qu'elle porte le voile (articles L.1121-1,
L.1132-1, L.1133-1 et L.1321-3 du Code du travail, intégrant les dispositions de la directive de l'Union
européenne du 27 novembre 2000). Dès lors, les restrictions à la liberté religieuse doivent être
justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et
déterminante et être proportionnées au but recherché. Le licenciement reste ainsi possible, par exemple,
si le refus de retirer le voile met en danger l'intéressée, les autres salariés ou des tiers. Mais cette hypothèse peut
difficilement s'appliquer au cas d'une crèche. Or le règlement intérieur de l'association Baby Loup prévoyait une
clause générale de laïcité et de neutralité, applicable à tous les emplois de l'entreprise. Dans ces conditions,
la Cour de cassation a jugé que "la clause du règlement intérieur, instaurant une restriction générale et imprécise, ne
répondait pas aux exigences de l'article L.1321-3 du Code du travail et que le licenciement, prononcé pour un
motif discriminatoire, était nul [...]". La Cour a donc cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui avait
déclaré fondé le licenciement de la salariée voilée (voir nos articles ci-contre du 13 septembre et du 28 octobre 2011).

Proposition de loi : du neuf avec du vieux ?
En l'occurrence, la Cour de cassation ne fait que dire le droit. Il reste que l'on peut estimer que de tout jeunes
enfants - et leurs parents - n'ont pas à être exposés au prosélytisme vestimentaire d'une salariée d'une structure
privée d'accueil de la petite enfance. Mais il faudrait pour cela une base légale - et conforme à la Constitution -,
dont la Cour de cassation a jugé qu'elle n'existe pas en l'état actuel du droit.
Sur ce point, l'annonce, par Eric Ciotti, du prochain dépôt d'une proposition de loi - d'autres pourraient suivre
rapidement - peut sembler un peu prématuré. Une proposition de loi - inspirée déjà par l'affaire Baby Loup,
comme l'indique son exposé des motifs - est en effet en cours d'examen au Parlement, même si elle semblait jusqu'alors
quelque peu enlisée. Cette proposition de loi "visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en
charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité" a été déposée par Françoise Laborde,
sénatrice (RDSE, radicale) de Haute-Garonne, en octobre 2011. Après des débats animés, elle a été adoptée en première
lecture par le Sénat, le 17 janvier 2012 (voir nos articles ci-contre du 30 novembre 2011 et du 18 janvier 2012).
Depuis lors, elle attend d'être examinée par l'Assemblée nationale, qui n'a toujours pas désigné de rapporteur.
Mais l'arrêt de la Cour de cassation pourrait bien lui valoir un soudain regain d'intérêt...

C. Cassation, n° 11.28845 dit Baby Loup
C. Cassation, n° 12311690 dit CPAM Seine St Denis
C. Cassation, le communiqué sur ces deux affaires
Sénat, la proposition de loi déposée
source : lettre Localtis du 20 mars 2013

_________________
"Mad Max en Père-la-Vertu, on aura tout vu !!!" (Tavi Lou Pastou, 10 avril 2013)
"Comme pertinemment indiqué par mon vieux pote Mad Max (le lapin rouge, le 25 octobre 2021, mais comme dirait Obélix, je ne suis pas vieux !)
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