Conseil d'Etat 7 juin 2000 n° 198626
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 août 1998 et 10 décembre 1998 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE
L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) dont le siège est ... (75019),
représentée par son secrétaire général ; la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION
NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) demande au Conseil d'Etat d'annuler la
décision en date du 24 juin 1998 du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie,
rejetant sa demande en date du 6 février 1998 tendant à l'abrogation des circulaires du 29 avril 1925 et
du 24 avril 1961 concernant les conditions d'occupation des logements dans les établissements d'enseignement public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le décret n° 86-128 du 14 mars 1986 relatif aux concessions de
logement accordées aux personnels de l'Etat dans les établissements
publics locaux d'enseignement ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31
juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n°
87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin,
avocat de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE
ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT),
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA
RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) demande l'annulation de la décision du ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie rejetant sa demande tendant à l'abrogation des
circulaires du 29 avril 1925 et du 24 avril 1961 concernant les conditions d'occupation des logements
dans les établissements d'enseignement public ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 92 du code du domaine de l'Etat : "Les
personnels civils des administrations publiques ne peuvent occuper un logement dans un immeuble
appartenant à l'Etat ... que s'ils sont bénéficiaires d'une concession de logement ou d'un acte de location
passé avec le service des domaines", et qu'aux termes de l'article R. 94 du même code : "Il y a nécessité
absolue de service, lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service sans être logé dans les
bâtiments où il doit exercer ses fonctions. Il y a utilité de service lorsque, sans être absolument nécessaire
à l'exercice de la fonction, le logement présente un intérêt certain pour la bonne marche du service" ;
d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 86-428 du 14 mars 1986 relatif aux concessions
de logement accordées aux personnels de l'Etat dans les établissements publics locaux d'enseignement : "Dans
les établissements d'enseignement public ..., la région, le département ou, le cas échéant, la commune
ou le groupement de communes, maintient les concessions de logement aux personnels de l'Etat exerçant certaines
fonctions ..." ; qu'aux termes de l'article 13 du même décret : "Sur rapport du chef d'établissement, le conseil
d'administration de l'établissement propose les emplois dont les titulaires bénéficient d'une concession de
logement par nécessité absolue ou par utilité de service ..." ; que si, aux termes de l'article 11 du même décret :
"La durée des concessions de logement est limitée à celle de l'exercice des fonctions au titre desquelles
les bénéficiaires les ont obtenues", l'article 15 prévoit que : " ... La concession ou la convention prend
également fin ... sur proposition de l'autorité académique ou de l'autorité en tenant lieu lorsque le bénéficiaire
ne jouit pas des locaux en bon père de famille" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précédentes que les décisions d'octroi de concessions de logement
dans les établissements publics locaux d'enseignement, qui relèvent de la compétence de la collectivité de
rattachement, sont prises sur proposition de l'établissement concerné ;
que les circulaires du 29 avril 1925 et du 24
avril 1961, en demandant aux chefs d'établissement des lycées et collèges de limiter, sauf exceptions, l'usage
des logements de fonction par des personnes étrangères à la famille du fonctionnaire logé pour
raison de service, aux seuls ascendants, descendants et domestiques dudit fonctionnaire, soumettent à
autorisation du chef d'établissement l'accès des logements de fonction à toute autre personne quelles que
soient les circonstances et la durée de l'occupation ; que s'il appartient au chef d'établissement de veiller
à ce que le fonctionnaire auquel une concession de logement a été accordée jouisse des locaux en
bon père de famille, aucun texte en vigueur à la date de la requête ne permet de soumettre de manière
générale à autorisation préalable l'accès du logement à des personnes étrangères à la famille du fonctionnaire ;
que le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie était, par suite, tenu de prononcer
l'abrogation des dispositions contestées des circulaires attaquées, dès lors qu'elles sont illégales, nonobstant
la circonstance que la définition du régime des concessions de logement ne relève pas de sa compétence ; que, par
suite, la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE
PUBLIQUE (SGEN-CFDT) est fondée, pour ce seul motif, à soutenir que la décision du ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie en date du 24 juin 1998 rejetant sa demande d'abrogation
des circulaires du 31 août et du 28 septembre 1994 est entachée d'excès de pouvoir ;
Sur les conclusions de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA
RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I
de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la requérante la somme qu'elle demande au
titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision en date du 24 juin 1998 du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et
de la technologie, rejetant sa demande tendant à l'abrogation des circulaires du 29 avril 1925 et du 24 avril
1961 est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA
RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi
du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA
RECHERCHE PUBLIQUE (SGEN-CFDT) et au ministre de l'éducation nationale.
Arrêt repris dans la LIJ n° 48 page 13
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