Dans cet arrêt du 24 février 2016, le Conseil d'Etat a dû répondre à la question de savoir si la signature de l'acte d'engagement s'attachait à la régularité de la candidature ou de l'offre. En l'occurrence, la société SNN avait candidaté pour un marché de transport, traitement, valorisation et commercialisation de mâchefers. Le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure avait toutefois attribué le contrat à une autre candidate, la société Matériaux Baie de Seine. La société évincée avait donc saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Rouen. Le marché ayant été signé entre temps, la requérante avait transformé son recours en référé précontractuel. Le juge ayant fait droit à sa demande d'annulation dudit marché, le syndicat a saisi le Conseil d'Etat d'un recours en cassation contre cette ordonnance.
Pour sa défense, le syndicat soutenait qu'il n'avait commis aucun manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'avoir affecté les chances de la société SNN d'obtenir le contrat, "dès lors que l'offre présentée par celle-ci, signée par une personne qui n'était pas mandatée ou habilitée à engager la société était irrégulière et ne pouvait qu'être rejetée". Afin d'analyser cette argumentation, les Sages du Palais Royal ont dû déterminer si l'absence d'habilitation pour la signature était une irrégularité relevant de la phase de sélection des candidatures ou de celle des offres. En effet, les possibilités de régularisation diffèrent selon le stade de la procédure.
Dans le cadre d'un appel d'offres, l'article 58 du Code des marchés publics (CMP) renvoie à l'article 52 du même code pour déterminer la possibilité de régularisation des candidatures. En revanche, l'article 59 du CMP instaure une possibilité de régularisation des offres quasi nulle. En l'espèce, le Conseil d'Etat a rappelé qu'en vertu de l'article 45 du CMP, les documents relatifs à l'habilitation d'engager un candidat sont exigibles au stade de l'examen des candidatures. Dès lors, le défaut d'habilitation de la personne ayant signé l'acte d'engagement pour le compte de la société évincée aurait pu être régularisé.
Traitement des candidatures entachées d'irrégularités
La possibilité pour le candidat évincé de soutenir devant le juge du référé contractuel que ses chances d'obtenir le contrat ont été affectées dépend du comportement du pouvoir adjudicateur, et du stade de la procédure où est survenue l'irrégularité. Lors de la phase d'examen des candidatures, trois possibilités s'offrent au pouvoir adjudicateur face à une candidature entachée d'irrégularités : soit il l'élimine, soit il invite la société à la régulariser, soit il procède tel quel à l'examen de l'offre. Dans les deux premiers cas, l'entreprise aura été informée par l'acheteur de l'irrégularité de sa candidature. Celle-ci ne pourra donc pas se prévaloir devant le juge du référé contractuel d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. En revanche, dans le troisième cas, elle pourra soutenir devant le juge avoir été lésée du fait de la perte de chance d'obtenir le marché. Ce fut le cas en l'espèce, le syndicat ayant éliminé l'offre de la société évincée, et non sa candidature. Dès lors, alors qu'il était loisible au syndicat de s'assurer de la régularité de la candidature de la société SNN mais qu'il ne l'a pas fait, il ne peut soutenir devant le juge que la candidature était en tout état de cause irrégulière et n'affectait pas les chances de la société d'obtenir le marché. Le pourvoi du syndicat a donc été rejeté et l'ordonnance annulant le marché confirmée.
A l'inverse, pour une irrégularité affectant l'offre, et compte tenu des faibles possibilités de régularisation, le pouvoir adjudicateur pourra toujours se prévaloir de son caractère irrégulier, quand bien même il l'aurait examinée et classée. A ce titre, l'article 61 du projet de décret Marchés publics prévoit une nouveauté : la possibilité de modifier les offres non conformes en appel d'offres. Si la teneur de l'offre ne peut être remaniée, les erreurs formelles et matérielles pourraient être corrigées. La version finale du décret, qui devrait paraître d'ici peu, confirmera ou non cette hypothèse.
Conseil d'Etat, 24 février 2016, n°394945
source : lettre Localtis du 3 mars 2016
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"Comme pertinemment indiqué par mon vieux pote Mad Max (le lapin rouge, le 25 octobre 2021, mais comme dirait Obélix, je ne suis pas vieux !)