Pour info :
Bercy diffuse un guide pratique pour l’utilisation de l’article 26 de la loi de modernisation de l’économie (réservation de 15% des marchés de haute technologie à des PME innovantes)
http://www.industrie.gouv.fr/enjeux/innovation/guide-art26LME.pdf
Une explication par Bercy Colloc :
La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 autorise les acheteurs publics à réserver 15% de leurs marchés de haute technologie à des PME innovantes. Ce dispositif expérimental, ouvert jusqu’en 2013, concerne aussi les collectivités locales. Boris Pennaneac’h, chargé de mission au bureau des politiques d’innovation et de technologie à la direction générale de la Compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), présente le guide pratique que le ministère de l’Economie met aujourd’hui à la disposition des acheteurs intéressés.
La Lettre d’information BERCY COLLOC. Que faut-il entendre par marchés "de haute technologie, de recherche et développement et d’études technologiques" ? Le créneau est-il suffisamment large pour concerner les collectivités locales ?
Boris Pennaneac’h. Un arrêté du 16 mars 2009 liste les domaines éligibles, où figurent notamment les matériels et fournitures informatiques, les services relatifs à l’environnement ou encore les véhicules électriques. Cela étant, par delà le domaine dans lequel se situe l’achat, le bien ou le service concerné doit faire "appel au dernier état de l’art des technologies ou des connaissances en science et en ingénierie" à la date du lancement du marché. La procédure de l’article 26 n’est donc pas destinée à acheter des ordinateurs sur étagère, ni à moderniser la page d’accueil d’un site Internet. Je pense, en revanche, qu’elle peut trouver à s’appliquer pour une collectivité locale qui souhaiterait s’équiper d’une petite flotte de voitures électriques ou bien lancer un diagnostic énergétique de ses bâtiments.
La Lettre. Le maximum autorisé par l’article 26 est 15% de la moyenne des marchés de même nature passés par la collectivité depuis trois ans. Ce seuil semble peu élevé, notamment pour les collectivités petites et moyennes. La procédure n’est-elle pas, de fait, réservée aux gros acheteurs ?
B.P. Le seuil est en effet peu élevé, mais il ne pouvait en être autrement car la mesure, sorte de "Small Business Act" à la française, devait impérativement respecter le droit communautaire et la Constitution : seuls des motifs d’intérêt général peuvent justifier des mesures de discrimination positive dérogeant au principe d’égalité de traitement des candidats et ce, seulement pour une part réduite des marchés et pour des bénéficiaires bien identifiés.
Il est clair que la mesure concerne plus directement les gros acheteurs de recherche et développement (R&D) ; mais rien n’empêche un "petit" acheteur qui souhaiterait avoir une démarche proactive vis-à-vis des PME innovantes de l’utiliser.
La Lettre. Le fait, pour une collectivité, de recourir à l’article 26, ne risque-t-il pas de compliquer sa démarche d’achat et de multiplier les risques de recours contentieux ?
B.P. L’utilisation de l’article 26 requiert, au départ, quelques efforts de mise en place, et c’est bien pour cela que nous avons décidé de publier le guide Achetez innovant ! Mais si la collectivité suit les préconisations du guide, elle verra que la procédure est finalement simple, et le fait même de suivre le guide écarte, de facto, le risque de recours contentieux.
La Lettre. Quand une collectivité envisage de recourir à l’article 26, doit-elle le préciser dans la consultation ?
B.P. Oui. L’acheteur qui utilise l’article 26 a l’obligation de le préciser dans l’avis d’appel public à la concurrence. Il a alors le choix entre deux formules : soit la réservation pure et simple du marché à des PME innovantes, soit un traitement préférentiel réservé à ces PME en cas d’offres équivalentes.
Si l’acheteur opte pour la réservation, la formulation à indiquer dans l’avis de consultation peut être : "Cette consultation est réservée aux PME innovantes, selon les dispositions de l’article 26 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et du décret n°2009-193 du 18 février 2009."
Si l’acheteur applique le traitement préférentiel à offres équivalentes, la formulation peut être : "Les dispositions relatives au traitement préférentiel des PME innovantes prévues par l’article 26 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et le décret n°2009-193 du 18 février 2009 s’appliquent à cette consultation."
La Lettre. La France foisonne-t-elle vraiment de PME susceptibles de répondre à des marchés passés dans le cadre de l’article 26 ? Les collectivités ne risquent-elles pas, dans certains cas, de se retrouver sans candidat ?
B.P. Il y a, en France, environ 4.000 PME innovantes qui répondent à la définition de l’article 26, dont 80% sont des entreprises de services. Les jeunes entreprises innovantes, au sens de loi de finances pour 2004, entrent notamment dans cette catégorie. Pour minimiser le risque de se retrouver sans candidat, je suggèrerais aux collectivités d’utiliser plutôt le traitement préférentiel en cas d’équivalence d’offres que la formule de la réservation.
La Lettre. Comment la collectivité peut-elle s’assurer qu’une entreprise répondant à sa consultation rentre bien dans les critères de l’article 26 ?
B.P. C’est à l’entreprise de lui en apporter la preuve en fournissant, par exemple, un document signé de son expert-comptable ou de son commissaire aux comptes et attestant qu’elle consacre bien 15% de ses dépenses à la R&D. Le guide présente aussi une grille d’analyse permettant à l’acheteur de s’assurer que l’entreprise candidate est bien couverte.
La Lettre. Que se passera-t-il au terme des cinq années d’expérimentation prévues par la loi ?
B.P. Cela dépendra de l’utilisation qui aura été faite de la mesure. Pour enclencher le processus, la DGCIS a mis en œuvre une action d’accompagnement auprès de dix acheteurs volontaires (Météo France, le CEA, la ville de Paris, la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure, etc.), afin de les aider à se lancer.
Si le bilan de la mesure est positif au terme de l’expérimentation, on pourrait imaginer, par exemple, de l’ouvrir à d’autres entreprises, par exemple celles qui consacrent une part significative de leurs dépenses à la R&D mais sans atteindre le seuil des 15% actuellement requis.
Les textes de référence :
Article 26 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008
Décret n°2009-193 du 18 février 2009
Arrêté du 16 mars 2009